Les deux textes ci dessous présentent des expérimentations nationales auxquelles nous participons. Ils ont été rédigés par nos ami-e-s du Centre de Santé Communautaire Le Village 2 Santé. Parce que nous partageons le même point de vu, nous les reproduisons ici avec leur aimable autorisation.
L’annonce des conclusions du Ségur de la santé fin juin 2020 nous a laissé comme beaucoup sur notre faim. Dans un contexte de lutte depuis des années contre la casse du service public de santé, avec en premier lieu la question de l’hôpital, il s’avère que les mesures annoncées sont décevantes autant qu’elles sont ridicules par rapport à ce qui est demandé par les différents groupes en lutte au premier lieu duquel le collectif inter-urgence.
Mais une annonce nous a paru directement nous concerner : celle de la création de 60 structures de santé « participatives » dans les quartiers Politique de la Ville d’ici 2023. Cette annonce nous était bien destinée puisque quinze jours plus tard nous étions invité-e-s avec les autres centres de santé communautaire (la Case de santé à Toulouse, la Place santé à Saint-Denis, et le Château en santé à Marseille), ainsi qu’avec la maison de santé du Neuhof à Strasbourg, à réfléchir au cahier de charges de ces structures.
Si l’abandon du terme santé communautaire nous apparaît comme une erreur vis à vis de ce que nous défendons, il n’en ressort pas moins que le cahier des charges sur lequel nous avons été invité à réfléchir constitue bien une avancée quand à la reconnaissance de nos structures, de leurs particularités, de leur travail. Nous avons donc décidé d’avancer dans ce cadre pour qu’une expérimentation soit lancée qui viennent consolider nos structures économiquement et visibiliser notre travail. Nous savons que 60 structures de ce type représente une goutte d’eau face aux 1500 quartiers recensés sur le territoire ainsi que tous les endroits en ville et en campagne qui n’ont pas cette appellation et qui mériterait ce changement de perspective sur ce que peut être un lieu de soin de proximité.
Nous savons qu’une potentielle entrée dans ce dispositif permet à moindre frais au gouvernement de communiquer sur une action en faveur de la santé et du soin dans les quartiers, alors que cela ne va toucher qu’une minorité d’entre eux. Mais, au bout de la négociation, cela va permettre d’asseoir une stabilité financière pour nos structures ainsi que de permettre à d’autres structures souhaitant expérimentées notre modèle de le faire (alors que les contraintes financières que nous acceptons aujourd’hui, notamment en terme de salaire, ne permettent pas l’extension de notre modèle à des structures qui ne souhaitent pas subir ces contraintes).
Nous ne pouvons donc pas refuser cette porte qui nous est ouverte. A nous de visibiliser autrement, notamment par la constitution d’un réseau fort entre nos structures, que notre vision du soin appelle à une modification en profondeur de ce qui est fait aujourd’hui, avec notamment une lutte contre la privatisation galopante du système à tous les niveaux et contre la destruction des instruments qui permettent un déjà-là vers un système de santé solidaire et équitable (hôpitaux publics, sécurité sociale, ...)
Nous avons participé à la rédaction du cahier des charges de cette expérimentation commencée en 2019. Elle vise à mettre en valeur le travail en équipe pour améliorer la qualité des prises en charge en les personnalisant et en accordant plus de temps à la prévention.
Pour ce faire, l’expérimentation consiste à ne plus rémunérer notre activité à l’acte mais au forfait. Avec la nouvelle rémunération au forfait, à partir du moment où une personne nous déclare comme son médecin traitant, la sécurité sociale nous verse à l’année un montant fixe à peu près équivalent à ce qu’elle aurait versé en remboursement d'actes de médecine général sur une année pour une personne ayant les mêmes caractéristiques (âge, genre, nombre et type d'affection de longue durée, statut vis à vis de la complémentaire santé solidaire).
Que la personne consulte un-e médecin une fois ou dix, ou qu’elle participe plutôt à un atelier collectif ou qu’elle soit accompagnée par un-e accompagnant-e en soin social… le centre dans son ensemble est autant rémunéré. L’idée de cette expérimentation est de permettre aux structures de soin participant de mieux se coordonner autour des besoins des patient-e-s et de consacrer plus de temps à d’autres activités en dehors des consultations médicales (comme la prévention par exemple).
Dans notre cas, cela valorisera auprès des institutions les initiatives de coordination et d’éducation populaire en santé que nous avions déjà prises et nous permettra d’en développer de nouvelles. Cela correspond aussi à notre vision d’une santé qui ne repose pas sur le recours systématique à un médecin pour sa santé.